The Owl

À l’heure où tout devient incertain,

La nuit me visite dans ses voiles blafards.

Elle se pose lentement sur moi

Et, avec une douceur infinie,

Arrache à ma chair ce qui fait de moi un homme.

 
Lorsqu’elle s’enfuira en bruissant à peine,

Elle me laissera exsangue et pantelant.

J’observerai alors mes restes frémissants

Et je verrai que c’est avec mes chaines

Que la nuit va nourrir ses enfants.



Racine

A l’entour de ma fuite

Dans le Paysage flou

Et parmi les bruissements

Je perçois des notes de ta voix

Je fais quelques pas

Je m’égare un peu et je me languis

 
Mais la vague dans les branches

Me berce et m’apaise

Alors je vois ton épaule nue

Dans les brindilles, l’humus,

L’arrondi d’un champignon

Et ton rire qui secoue les feuilles

 
Ton odeur qui flotte dans la pluie battante

Je croque un fruit, ton sucre et ton sel

Tends moi ta main, serre fort

Couche moi dans la terre meuble

Qu’elle me couvre et s’endorme sur moi

Ta peau dans la pénombre

 
Et ton regard fuyant

Là, je m’enracine tandis que tu te détournes

Et je m’efface doucement

Mangé par une saison, puis deux

Et puis d’autres innombrables

Chaque jour un autre moi te cherche

 
Mais je sais où je suis vraiment …

 
Je suis enfouis là, dans l’ombre

À rêver de ta chair tendre

Et de tes baisers brûlants

Entre les racines d’un arbre millénaire

Et mes soubresauts amusent

Un scolopendre et un cloporte





Le souffle

C’est la nuit sous les grands arbres

Quand tu viens, les pieds nus

Sans un bruit, tu tournes et tu as faim

 
Pourquoi est-ce moi que tu envisages ?

Et pourquoi te penches-tu sur moi,

Si froid et si aride, dans un craquement d’os ?

 
Moi qui suis à peine

Moi qui effleure le monde

Moi qui voulais toucher le ciel

 
Tu souffles et je m’en vais.

Au matin, c’est éparpillé sur la mousse,

Que je verrai le jour



Le monde dans une flaque d’eau

Toute cette agitation muette

La nuit quand la réalité dort

Tranquille et aveugle

Je me suis vu ramper vers elle

 
Froid comme la mort

Attiré par la lumière

Phalène avide, brutale

Ou serpent sinueux

 
Je me suis vu léviathan grandiose

Dévorer ce monde vain

De soubresauts vaniteux

Et de créatures pitoyables

 
Et puis, ne pouvant me soustraire

Au grotesque de ma condition

Puisqu’on est jamais assez grand

J’ai mis le monde dans une flaque d’eau




La Sèvre

De loin on peut sentir ton parfum

Ta suavité calme a envahi la nuit

Dans la clairière, immobile

Ta sève s’échappant de toi

Et tu la laisses s’enfuir sans un mot

 
Ce n’est pas la haine qui approche

Ni la colère noire qui rampe

La faim nous taraude et il fait froid

Tu es là, trop belle pour disparaitre

Quand se tarira ton souffle blanc

 
Nous préférons te dévorer

plutôt que te voir t’effacer

Dans l’étreinte, perce-nous le coeur

Mêlons notre sang, vivants une dernière fois

Et dans l’huile de nos corps glorieux

 
Terminons-en une bonne fois.




La Balançoire

 

Toi en équilibre sous le brasier

Te balançant sans songe ni soucis

Et moi qui entends les derniers vestiges

De mes jeux innocents et simples

Qui craquent et qui crient dans les flammes


Je crains encore de me brûler

De sentir ma peau fondre et se fendre

Et toi qui bascules, incandescence éphémère


Et si l’insouciance c’était de se laisser manger par le feu ?

Et s’il fallait continuer de s’émerveiller quand même,

Dévasté dans l’enfer qu’on a de ses mains allumé ?




Le Chevreuil et l’enfant

 

Aux premières lueurs je t’entends qui rodes

Et qui te demandes encore pourquoi,

Alors que maintes fois tu aurais pu m’étouffer

Dans mon sommeil oublieux,

Tu t’es contenté de m’observer, inconscient.

 
Et lorsque j’entrevois ton ombre fuyante

Je sens ton regard lourd posé sur moi

Et qui me dit : « une autre fois je serais moins courtois 

Et je prendrais le temps de me repaître de toi ».

Depuis je bats la campagne, content d’être vivant.



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La Harde

Si tu n’es que frôlement sur la mousse

Si ton souffle prend le son de la brise

Si tes songes glissent délicatement sur le monde


Alors peut-être, la harde des muses se tournera vers toi

Et viendra dans une folle course répandre la beauté

Sous ton regard incrédule, noyé par la grâce

Pourtant sois prudent et reste caché


Couvre toi les lèvres de tes mains fébriles

Car si tu te dévoiles tu verras qui se dissimule

Au coeur de la mêlée fragile et mouvante


L’épée palpitante et hideuse, ta faiblesse

Qui ricane et s’impatiente en rêvant

À toutes les fois ou elle t’a percé le flanc.