La Sèvre

De loin on peut sentir ton parfum

Ta suavité calme a envahi la nuit

Dans la clairière, immobile

Ta sève s’échappant de toi

Et tu la laisses s’enfuir sans un mot

 
Ce n’est pas la haine qui approche

Ni la colère noire qui rampe

La faim nous taraude et il fait froid

Tu es là, trop belle pour disparaitre

Quand se tarira ton souffle blanc

 
Nous préférons te dévorer

plutôt que te voir t’effacer

Dans l’étreinte, perce-nous le coeur

Mêlons notre sang, vivants une dernière fois

Et dans l’huile de nos corps glorieux

 
Terminons-en une bonne fois.




La Boîte

 

Il y a longtemps, je suis venu

J’avais pris une boite en fer

J’y avais enfermé des trésors

Loin dans les sous bois

Puis plus loin encore

Dans des abysses végétales

 
Même les oiseaux chuchotaient

Et les branches n’osaient craquer

De peur d’éveiller d’anciennes angoisses.

Je m’étais penché là, en plein milieu du monde

Dans un trou, j’ai déposé la boite

Et la terre s’était endormie dessus

Fatigué d’être un homme

J’avais pris une boite en fer

Dedans il y avait un peu de moi

Des souvenirs en image, des goûts, des odeurs

Et puis je m’en étais retourné

Marcher avec les autres

 
Dans mon ventre noué

Le calme n’est jamais venu

La tempête gronde et brise mes remparts

Alors je retourne aux abysses

Dans la boite en fer, j’y ajoute un peu de moi

Ma rate, mon foie, mon coeur et mes reins.

La Balançoire

 

Toi en équilibre sous le brasier

Te balançant sans songe ni soucis

Et moi qui entends les derniers vestiges

De mes jeux innocents et simples

Qui craquent et qui crient dans les flammes


Je crains encore de me brûler

De sentir ma peau fondre et se fendre

Et toi qui bascules, incandescence éphémère


Et si l’insouciance c’était de se laisser manger par le feu ?

Et s’il fallait continuer de s’émerveiller quand même,

Dévasté dans l’enfer qu’on a de ses mains allumé ?




Le Chevreuil et l’enfant

 

Aux premières lueurs je t’entends qui rodes

Et qui te demandes encore pourquoi,

Alors que maintes fois tu aurais pu m’étouffer

Dans mon sommeil oublieux,

Tu t’es contenté de m’observer, inconscient.

 
Et lorsque j’entrevois ton ombre fuyante

Je sens ton regard lourd posé sur moi

Et qui me dit : « une autre fois je serais moins courtois 

Et je prendrais le temps de me repaître de toi ».

Depuis je bats la campagne, content d’être vivant.



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Caché

 

Je sors des sous bois

Les pieds nus et terreux

Les yeux grands ouverts

Et je t’aperçois,

Toi qui marche bien chaussé


Souliers vernis et complet gris

Tu avances, sûr de ta direction

Et tu m’inspires deux envies :

Me dérober à ton regard

Et t’arracher la gorge de mes dents


Dissimulé derrière une souche

J’entends ta démarche affairée

Et je sens ton odeur pesante

Je me demande, derrière ce masque,

Qu’as-tu donc à cacher ?