
Catégorie : Illustrations
Dessins et illustrations


Yokaï

The Owl
À l’heure où tout devient incertain,
La nuit me visite dans ses voiles blafards.
Elle se pose lentement sur moi
Et, avec une douceur infinie,
Arrache à ma chair ce qui fait de moi un homme.
Lorsqu’elle s’enfuira en bruissant à peine,
Elle me laissera exsangue et pantelant.
J’observerai alors mes restes frémissants
Et je verrai que c’est avec mes chaines
Que la nuit va nourrir ses enfants.

Sur le chemin
Est-ce toi que je vois, blafarde, sur le chemin
Est-ce toi qui flottes ainsi, somnambule
Est-ce toi qui assassines et qui enlace
Vas-tu laisser ce fardeau et tenir ma main un instant
Ou bien recueillir mon sang dans tes mains en coupe
Vas-tu lever tes yeux clairs
Ou les plonger dans ces entrailles
Choisis donc la tourbe ou l’eau claire
Etends-toi enfin sur ce lit
Laisse moi courir loin devant
Et fuir mes restes encore fumants

Racine
A l’entour de ma fuite
Dans le Paysage flou
Et parmi les bruissements
Je perçois des notes de ta voix
Je fais quelques pas
Je m’égare un peu et je me languis
Mais la vague dans les branches
Me berce et m’apaise
Alors je vois ton épaule nue
Dans les brindilles, l’humus,
L’arrondi d’un champignon
Et ton rire qui secoue les feuilles
Ton odeur qui flotte dans la pluie battante
Je croque un fruit, ton sucre et ton sel
Tends moi ta main, serre fort
Couche moi dans la terre meuble
Qu’elle me couvre et s’endorme sur moi
Ta peau dans la pénombre
Et ton regard fuyant
Là, je m’enracine tandis que tu te détournes
Et je m’efface doucement
Mangé par une saison, puis deux
Et puis d’autres innombrables
Chaque jour un autre moi te cherche
Mais je sais où je suis vraiment …
Je suis enfouis là, dans l’ombre
À rêver de ta chair tendre
Et de tes baisers brûlants
Entre les racines d’un arbre millénaire
Et mes soubresauts amusent
Un scolopendre et un cloporte

Océan
Au loin, l’horizon porte ta vue
Le long de la ligne tranquille
Postée là, vigie mouvante,
Les courants furieux lèchent tes chevilles
Sous tes cheveux saturés d’embruns
Tournoient et palpitent l’acier et l’argent
Qui nagent au fond de ton esprit océan
Leurs ouïes béantes respirent tes pensées
Leurs yeux te montrent l’univers grandiose
Et tu plonges dans l’infini bleuté,
Suis la farandole délirante des vagues musculeuses
Enroule dans l’eau et dans l’air ton corps délicieux
Dans le roulis aérien du vent qui s’égare
Tu te répands en ondulations, en arabesques
Ton esprit court le long du rivage
Puis tu murmures ton nom dans les plis d’un rocher

Le souffle
C’est la nuit sous les grands arbres
Quand tu viens, les pieds nus
Sans un bruit, tu tournes et tu as faim
Pourquoi est-ce moi que tu envisages ?
Et pourquoi te penches-tu sur moi,
Si froid et si aride, dans un craquement d’os ?
Moi qui suis à peine
Moi qui effleure le monde
Moi qui voulais toucher le ciel
Tu souffles et je m’en vais.
Au matin, c’est éparpillé sur la mousse,
Que je verrai le jour

Le monde dans une flaque d’eau
Toute cette agitation muette
La nuit quand la réalité dort
Tranquille et aveugle
Je me suis vu ramper vers elle
Froid comme la mort
Attiré par la lumière
Phalène avide, brutale
Ou serpent sinueux
Je me suis vu léviathan grandiose
Dévorer ce monde vain
De soubresauts vaniteux
Et de créatures pitoyables
Et puis, ne pouvant me soustraire
Au grotesque de ma condition
Puisqu’on est jamais assez grand
J’ai mis le monde dans une flaque d’eau

Le cavalier mélangé
L’air est lourd sur la lande
Le soir tombe et le vent s’étouffe
Dans sa propre tourmente
Et offre le monde à la pesanteur
Toi tu as oublié de nourrir les bêtes
Tu as laissé crever la terre à tes pieds
Et ton berceau est nauséabond
Ce soir, tu souperas d’un peu de néant
Et le ventre bien rond de ton amnésie
Gourmand encore de plus d’oubli
Tu iras t’assoupir sur ton lit de fer
Sourd au vol des corbeaux
Au pas lent mais sûr dans la plaine sèche
De celui qui vient avec au coeur sa mémoire
Infaillible et sans âge, ton nom gravé tout au fond
Il va tout droit sur ton corps endormi
Se repaitre de tes rêves
Sa monture piétinant ta chair flasque
À peine un soubresaut t’anime
Toi, coquille vide et pantin suffisant

La Tempête
Tu vois, j’y avais rangé beaucoup de choses
J’y ai caché des objets auxquels je tenais
J’ai laissé la table dressée et un feu au foyer
J’ai même rempli les verres d’un breuvage sucré
Aux murs il y avait des photos, des dessins
Au sol, la poussière n’est pas encore retombée
Mais j’ai déchiré le papier sur les murs et j’ai brisé la bois
J’ai donné des coups et j’ai crié fort
Si bien que … regarde comme tout s’en va
Et j’ai senti comme tu me regardais tout ce temps
Longtemps j’ai tenu ta main chaude
Aujourd’hui je me demande seulement,
Toujours ma main dans la tienne,
Quel moment tu choisiras pour mordre ma chair,
De tes dents ouvrir des plaies béantes
Alors que j’observe la tempête emporter ma maison